
Ma petite tête fatiguée mais contente après ma troisième chimio
Ça fait longtemps que je songe à écrire cet article, j’ai un peu hésité à le publier, pensant peut-être qu’il pourrait en « choquer » certain.e.s. Après tout, j’ai pris le parti d’être honnête et transparente sur ce blog (et avec moi-même), donc avec vous aussi. Le besoin d’écrire est plus fort qu’un potentiel jugement de votre part alors je me lance.
C’est un sujet délicat, car très intime et personnel. J’en ai rarement parlé autour de moi car je pense que c’était déjà très difficile à m’avouer à moi-même. Aussi parce que ce n’est pas évident à dire, ni même à entendre.
Tout est parti d’une petite question que m’a posée l’un des médecins qui me suivait lorsque j’étais hospitalisée au mois de février. De cette question s’est suivie une réflexion profonde et une constatation dont je voudrais parler ici.
Cela faisait déjà quelques mois que j’étais en plein questionnement sur moi-même et sur ma vie, mais tout ceci restait assez en surface (pas top sûre d’avoir envie de creuser car ça semblait un peu boueux par là-bas). Mais le fait d’entendre cette question alors que j’étais hospitalisée a été un vrai électrochoc.
Ce fameux docteur est entré un jour dans ma chambre d’hôpital et m’a demandé ce que je faisais dans la vie.
La question du siècle tant redoutée : que – fais – je – dans – la – vie ?
J’étais complètement démunie. Je me la suis répétée dans ma tête plusieurs fois avant de lui répondre que je ne travaillais pas (d’ailleurs, pourquoi quand on dit qu’est-ce que tu FAIS dans la vie, on pense direct au travail ?) et que j’étais dans une phase de transition. Le docteur a répété après moi « une phase de transition ». J’ai eu dû mal à sentir si ma réponse lui convenait ou non. Dans tous les cas, il n’a pas creusé et ça m’a bien arrangée.
Quand il eut quitté la chambre, je me suis retrouvée avec cette question qui tournait dans ma tête : moi, Alice B., qu’est-ce que je fais dans la vie ? Plein de choses, c’est sur, je FAIS beaucoup, mais je suis QUI ? C’est qui, Alice B. en vrai, dans le fond ?
Je pense que ces dernières années, je me suis perdue, j’ai couru, toujours plus, après les projets pour me sentir occupée. Comme si m’occuper me rendait vivante et que m’arrêter revenait à mourir. En survie. Je survivais plutôt que je vivais ma vie. D’ailleurs je ne vivais pas ma vie, je la faisais. Je me surprends souvent à dire « moi, je fais ma vie ». Fait-on notre vie où bien vivons la ?
Trois ans que je suis perdue, trois ans que je tourne en rond, que je me sens comme dans une impasse, trois ans que j’attends qu’il se passe un truc fort, un choc, un déclic, un vrai changement pour pouvoir passer à autre chose.
Trois ans de projets qui n’ont jamais vraiment aboutis car je n’y croyais pas au fond. Je passais le temps. Fantôme de moi-même, être en surface. Trois ans de jolis voyages, oh ça oui – mais dans quel but ? Je ne sais pas. Probablement que je cherchais une réponse à l’extérieur de moi-même.
J’ai eu un trop plein de contraintes durant les années qui ont précédé ces trois ans. Du coup, je pense que j’avais un énorme besoin de liberté. Cette « liberté » s’est finalement transformée en prison intérieure. Je me disais libre, mais au fond de moi, j’étais comme mise en cage. J’ai voulu fuir toutes les contraintes, contrats, engagements sous prétexte que je voulais garder ma liberté. Résultat ? Je me suis complètement enfermée à double tour dans un truc sans issue.
Je me suis mise dans une situation de laquelle il est très dur de sortir (j’y suis d’ailleurs encore – et l’après cancer me fait très peur pour être honnête). Souvent, j’ai cette image de toile d’araignée dans laquelle je suis enlisée. Je me débats, impossible d’en sortir car mes jambes et mes bras sont collés à ce filet qui se referme sur moi, prise au piège.
Si j’avais pu répondre à mon médecin en toute honnêteté, je lui aurais répondu
« Docteur, ça fait trois ans que j’attends mon lymphome »
Ce « truc », ce déclic qu’il me fallait pour pouvoir avancer est enfin arrivé. Et il est arrivé dans ma vie sous la forme d’un cancer.
La transformation dont je rêvais, celle que j’attendais depuis si longtemps est en cours.
Transition, transformation, mutation, évolution, métamorphose, changement. Tout ça à la fois.
Bouleversement de mes cellules. Chaos dans mon corps. La guerre a éclatée. On détruit tout pour recommencer sur de nouvelles bases.
Et vous savez quoi ? Je suis CONTENTE car c’est exactement ce dont j’avais besoin. J’ai enfin l’impression que je suis à la bonne place au bon moment.
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Après avoir écrit cet article, je suis tombée sur le témoignage de Anita Moorjani qui a eu un lymphome en stade 4 (très avancé) et qui a fait une expérience de mort imminente. Son témoignage m’a complètement bouleversée. Il y a une interview en vidéo qui dure 10 minutes également que je place ici et que je vous conseille vivement de visionner ❤
Merci beaucoup pour cet article transpirant d’authenticité et d’honnêteté. Je pense que c’est important d’être honnête surtout envers soi-même. Tu es entrain de vivre une épiphanie sûrement. Et c’est vraiment chouette que tu prennes de la distance par rapport au regard des autres.
A une échelle cosmique beaucoup plus petite, il m’est arrivé un truc inhabituel hier. En allant pêcher avec les copains, j’ai marché sur un dard de poisson qui m’a transpercé le pied. Moi qui cours, danse, saute… Je me suis mise une épine dans le pied littéralement. Et c’est rigolo parce qu’après la peur, un tour aux urgences et le fait qu’il me reste encore un petit morceau dans la voute plantaire, je me dis que cette histoire n’est pas anodine… Peut-être prendre le temps d’arrêter de bouger, de regarder, d’être déséquilibrée…
Sinon niveau turban, je ne sais pas si tu aimes le wax, moi j’adore. Et je fais pas mal d’attacher de foulards avec. Y’a plein de tuto sur you tube si tu souhaites changer de nœuds…
Des bises et beau dimanche.
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Le témoignage d’Anita remet les pendules à l’heure!!! Ça donne envie de lire son livre et d’en découvrir plus.
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je sentais aussi que j’étais pas complètement en phase, je réfléchissais sans vraiment aller dans le fond des choses dans certains domaines. puis j’ai eu un cancer du sein. ca m’a fait actionné certains levier bien plus rapidement, je sais maintenant qui je suis. meme si certaines décisions sont dures à prendre encore aujourd’hui, je me connais maintenant mieux que jamais et je me sens armée pour le reste
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Merci pour ton retour d’expérience 🙂
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